Eclipse

 

Eclipse

Oh oui Léa, je m’en souviens de ce jour-là.

Notre dernier coucher d’soleil. Il est venu avec sa horde d’amis. Ils ont ouvert son coffre et ils ont mis le soleil dedans. Oui Léa, il avait pris sa grosse voiture. Sa plus grosse parmi toutes ses voitures. Comme il le dit souvent : « La réussite, c’est quand on ne compte plus. »

Le G12 était là : ils ont salué le moment de leurs mots d’hypocrites. Et toutes les personnes présentes ont applaudi de leurs mains d’hypocrites. Et lui il a souri de ses dents d’hypocrite.

Il a allumé la radio. Vitre baissée, son coude était au vent. Les pneus ont crissé.

Les pneus de sa grosse voiture. Avec son gros coffre. Avec le soleil dedans. Avec son soleil dedans.

Elle était belle l’éclipse. La flaque de lumière s’est évaporée d’un seul coup, comme s’il avait sauté dedans à pieds joints. Des gouttes de jaune, des éclaboussures de rouges, des jaillissements d’oranges. C’est ça Léa, c’était comme quand on joue à la peinture. Comme un feu d’artifice, qui s’éteint.

On a fait la fête tous ensemble, et lui il s’est barré avec la boule facettes. Les étincelles ont arrêté de crépiter, il restait juste… le silence.

Il est parti avec le soleil. Il nous a laissé l’obscurité.

Tous les écrans du monde entier racontaient la même histoire. Car l’Histoire appartient à ceux qui gagnent.

Au type avec le gros coffre et le soleil dedans. Un serial winner, un modèle d’audace, un ultra devin.

Si vous travaillez bien les enfants, vous pourrez être comme lui ! Lisez son dernier bouquin : « Tous mes secrets pour toucher le succès. » Un livre saint, un livre malsain. Y a même des conférences sur internet, de la prêche à la ligne !

Tu as vu Léa, il s’est même mis à vendre des bouts d’rayons d’soleil ! Au milieu du noir, les publicités brillent de mille feux :

« Pour vous chauffer ou pour bronzer, un peu d’soleil rien que pour vous

La lumière pour vous éclairer : Merci Elon de penser à tout ! »

Amen.

Il aurait pu s’app’ler Jeff, Bill ou Bernard : on n’a pas tous le même Dieu.

Putain Léa, c’était écrit !

Y a 50 ans on app’lait ça de la science-fiction. Aujourd’hui la fiction est bien réelle.

De toutes façons, ça coûte trop cher de rêver. Ils ont tout pris avec leurs marques, ils ont su créer des manques

Une banque de besoins conçus avec soin qu’ils revendent au meilleur prix.

Ils ont racheté des villes, des départements, ils ont privatisé des îles et même des continents !

Pardon Léa, pardon ma fille…

Toi, tu n’connaitras que l’obscurité

Heureuse, soumise au désespoir.

Tu sauras jamais que journée

N’est pas synonyme de soir

Pardon Léa, pardon de t’avoir laissé

Laissé dans un monde, plongé dans le noir.

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