La ballerine qui voulait faire la guerre (théâtre)

 


La ballerine qui voulait faire la guerre

Par Nicolas Crampon

 

Rôles :

Une ballerine

Sa mère

Son père

Une examinatrice

Un examinateur

Un chœur mixte de 4 personnes minimum

Un enfant-marteau

Sa mère (coiffée de façon excentrique)

Son père (coiffé de façon excentrique)

 

Scénographie :

La ballerine, au centre de la scène, face au public assise sur une chaise, ses deux parents derrière face au public également

Les deux examinateurs à jardin, face au public, côte à côte

Le chœur à cour, face au public

(l’enfant-marteau et ses parents prendront les mêmes positions que la ballerine et ses parents)

 

Texte :

                                             

Choeur : Chef d’escadrille cherche godillots solides pour partir au combat. Sandalettes et autres pleurnicheuses, s’abstenir.

 

Ballerine : Bonjour, je viens pour l’annonce.

Examinateur, perplexe : Pardon ? Pour l’annonce ?

Examinatrice, insistante : Pour quelle annonce ?

Choeur : Chef d’espadrilles… euh… chef d’escadrille cherche godillots solides pour partir au combat. Sandalettes et autres pleurnicheuses, s’abstenir.

 

Examinatrice : Mais vous n’êtes pas un godillot, vous êtes …

Examinatrice + Examinateur : Une ballerine !

 

Père, gêné : Nous lui avons dit mais elle ne veut rien entendre.

Mère : Elle est têtue comme une mule… ou comme son père !

Ballerine, sûre d’elle : Mais j’ai les pieds sur terre. Même si ça a l’air de vous mettre dans vos petits souliers, ce poste me botte !

 

Examinateur : Mais vous n’êtes pas assez costaude pour aller sur un champ de bataille !

Examinatrice : Tant qu’on y est, pourquoi ne pas embaucher des talons aiguilles !

Ballerine : Et pourquoi pas ? Nous sommes toutes des chaussures après tout, pourquoi faire des discriminations ?

 

Père : Sans vouloir botter en touche, elle n’a jamais mal nulle part !

Mère : C’est vrai que par rapport à son père…

Père : Tu me casses les pieds, Monique !

 

Examinatrice + Examinateur : Mais une ballerine, ça pleure tout le temps !

Ballerine : Lâchez-moi les baskets avec vos idées préconçues !

 

Père : Si elle sait faire des pointes pendant des heures, elle doit bien pouvoir marcher sur des cailloux !

Mère : J’ai toujours rêvé de me marier avec un soldat !

Père : C’est gentil… Je suis informaticien !

Ballerine : Je suis droite dans mes bottes et je sais que je peux assurer ce job !

 

Chœur, en slam :

Elle était motivée, mais ils semblaient sceptiques

Avec leurs préjugés, ils restaient archaïques.

C’était une dure à cuire, malgré sa tenue rose.

Des rêves à accomplir, sans peur des ecchymoses

 

Examinatrice : Mademoiselle, vous pourriez plutôt aller au front pour faire la vaisselle ?

Examinateur : La cuisine ?

Examinatrice : Le ménage ?

Examinateur : Le repassage ?

Examinatrice : Au pire, l’infirmière ?

(les répliques s’enchainent rapidement)

 

Ballerine : Je ne prends pas mon pied à faire ces tâches, désolé.

Père : C’est vrai que ma fille, c’est une pointure !

Ballerine : Tu n’es pas obligée de me cirer les pompes, papa !

Mère : C’est vrai ça… lèche-bottes !

 

Examinateur : Mais vous imaginez que l’on va faire peur à nos ennemis si nos soldats portent des ballerines ?

Examinatrice : Ils ne craindront jamais de se faire battre par des ballerines… Pfff, n’importe quoi !

Examinateur : Et puis pourquoi vouloir faire la guerre ? Vous êtes toute jolie, pourquoi risquer de vous faire abîmer sur un champ de bataille ?

Examinatrice : Certes, c’est vrai qu’il faut souffrir pour être belle… Mais ce n’est pas une raison pour en rajouter une couche !

Examinateur, condescendant : Et puis ballerines en marchant, mort au tournant !

 

Ballerine : Très bien, je lève le pied…

Père : Tu ne vas pas quand même pas abandonner ?

Mère : Ne prends pas tout au pied de la lettre ma fille

Ballerine : C’est que… je ne sais plus sur quel pied danser !

 

Examinateur : Vous voyez, dès que vous êtes au pied du mur, vous pleurez !

Mère, excédée : Celui-ci, il est bête comme ses pieds !

Père : Vous croyez que l’on ne vous voit pas venir avec vos gros sabots ?

 

Chœur, en slam :

Notre ballerine est forte et pourtant vulnérable

Il faudra qu’elle supporte ces remarques misérables.

Se battre tous les jours contre tous ces clichés

Persévérer toujours, ne jamais perdre pied.

 

Examinatrice : Accomplissez le rêve de votre mère !

Examinateur : Voilà, trouvez chaussure à votre pied

Examinatrice : Un soldat, c’est très bien, et laissez les godillots faire leur travail

Examinateur : Vous savez, derrière chaque grand godillot se cache une belle ballerine !

 

Père, protecteur : Ils veulent te couper l’herbe sous le pied, ne te laisse pas faire !

Mère : Madame, Monsieur, excusez-moi de mettre les pieds dans le plat, mais vous êtes à côté de vos pompes !

Père : Ressaisis-toi ma fille, ça leur fera les pieds !

Ballerine : Vous avez raison… Bon pied, bon œil, je vous attends de pied ferme ! Mettez-moi à l’épreuve !

 

Examinateur, provocateur : Très bien Cendrillon… tu vas bien te rendre compte que tes petits chaussons de vair vont t’emmener dans un drôle de carrosse…

Examinatrice : Qui se transformera en citrouille !

Examinateur : Une marche militaire… Tu sais faire ?

Ballerine : Et si on s’en tenait au vouvoiement ?

Examinatrice : En marchant dans la boue ?

Examinateur : En VOUS faisant écraser par des pavés ?

 

Ballerine : Oui, bien sûr ! Je me mettrais des rembourrages des pieds à la tête !

Père : Tu ne vas pas perdre ta ligne quand même ?

Mère : C’est vrai, tu es toute svelte…

Père : J’aurais rêvé épouser une femme toute svelte !

Mère, agressive : Je vais te botter les fesses, Gilbert ! Vas-y ma fille, fonce… Je suis avec toi, je ne te lâcherai pas d’une semelle !

 

Choeur : en bruitages, chantent la marche impériale

La ballerine fait le défilé.

Au début timidement, puis la musique accélère progressivement et la ballerine prend de plus en plus ses marques.

Son père mime les pas de la ballerine, jusqu’à ce que sa mère la ramène avec elle.

Les examinateurs sont impressionnés.

 

Examinateur : Absolument… magnifîque !

Examinatrice : Je suis impressionnée ! Vous avez réussi le test au pied levé !

 

Mère, fière : Vous voulez dire que ma fille… ma fille a mis un pied dans l’armée ?

Examinateur : Elle y va tout droit !

Père, particulièrement heureux : Quel pied !

 

Examinatrice : Un mois à lacet ?

Mère : Vous voulez dire « Un mois à l’essai ? »

 

Examinateur, vexé : Vous êtes sur le pied de guerre, nous n’avons vraiment jamais le droit à l’erreur !

Père : Vous sembliez avoir des pieds de plomb… Mais elle vous a convaincus !

Ballerine, ne perdant pas le nord : En parlant de lacets…

Examinatrice : Oui mademoiselle ?

Ballerine : Je les toucherai quand les 300 lacets ?

Examinateur ; faisant mine de ne pas avoir compris : Oui, c’est vrai, pour le salaire, l’annonce stipulait 300 lacets…

Examinatrice, sautant sur l’occasion : Mais vu votre profil atypique, nous pourrions nous mettre d’accord sur disons…

Examinateur + Examinatrice : 100 lacets ?

 

Ballerine : Je ne vais pas traîner la savate parce que vous êtes sexiste quand même ?

Père : Ca c’est bien dit ma fille !

Mère : Vous avez les deux pieds dans le même sabot : vous n’arrivez pas à prendre une vraie décision ?

Examinatrice : 200 ?

 

Ballerine, Père & Mère font non de la tête.

 

Examinateur : 250 ?

 

Ballerine, Père & Mère font non de la tête.

 

Examinatrice + Examinateur : D’accord… 300 !

 

Père + Mère : Quel joli pied d’nez !

 

Choeur :

A force d’abnégation et de persévérance

Elle gagne ses galons et ils lui laissent une chance

Plus de stéréotypes, elle marque les esprits,

Plus forte que tous ces types, elle gagne son pari.

 

Pendant ce temps, Père et Mère s’en vont, Ballerine tire sa révérence et s’en va.

Examinateur & Examinatrice se remettent comme ils peuvent quand un adolescent entre avec ses parents.

 

Marteau : Bonjour, je viens pour l’annonce.

Examinateur, dépité : L’annonce… Quelle annonce ?

Marteau : L’annonce que vous avez publiée hier soir !

Examinatrice, énervée : Mais nous recherchons une brosse à cheveux… pas un marteau !

Marteau : Si on peut se coiffer avec un pétard, pourquoi on ne pourrait se coiffer avec un marteau ?

 

Commentaires

  1. Mise en scène avec mes élèves, cette pièce est une tuerie ! Ils adorent la jouer, accrochent à fond avec les personnages et prennent beaucoup de plaisir (et leur instit également !)

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